Si les réseaux sociaux avaient existé à l’époque de Marie-Antoinette, ses comptes TikTok ou Instagram auraient rassemblé des millions de followers en France et dans le monde entier. Reine de la mode, reine de la coiffure, et fashionista avant l’heure, elle est la première souveraine de l’histoire à lancer les tendances… et à les défaire. Tout le monde veut copier son style ; se vêtir, se coiffer comme elle. Les trends de Marie-Antoinette l’influenceuse sont virales, suivies non seulement par les courtisanes de Versailles, les Parisiennes, mais aussi par la noblesse de France et de Navarre. Jusqu’aux cours étrangères !
Marie-Antoinette, l’influenceuse mode
Quand Marie-Antoinette arrive en France à l’âge de 14 ans, elle n’a que faire de la mode. Une rencontre va tout changer en 1774, celle avec Marie-Jeanne Bertin (plus connue sous le nom de Rose Bertin), bientôt surnommée la « ministre des modes ». Ça tombe bien, Marie-Antoinette vient juste de devenir reine et peut donc désormais agir comme bon lui semble. Avec sa styliste, elle révolutionne la mode. Exit les lourds habits de brocard, les larges paniers et les corps baleinés en vigueur à la cour depuis Louis XIV. Bonjour le confort, la légèreté et la liberté de mouvement. Toutes deux s’enferment pendant des heures dans les cabinets intérieurs situés à l’envers de la chambre de parade. Marie-Antoinette y détaille les croquis préparés par sa marchande de modes, touche ses tissus (taffetas, soie, satin…) et découvre sa panoplie d’accessoires (rubans, fleurs en tissus, dentelles…).
Sur ce tableau, on aperçoit d’ailleurs Rose Bertin (coiffe noire sur la tête) avec une corbeille qui déborde de bonnets, rubans et autres fanfreluches qu’elle compte présenter à la reine après son récital.

Les robes à la française, avec leur pli Watteau dans le dos, héritées de l’ancienne mode coexistent désormais avec des robes plus confortables, permettant une plus grande liberté de mouvement, dites à l’anglaise ou à la circassienne. Elles deviendront la tendance des années 1780. La robe-chemise ou en gaulle, légère et aérienne, que popularise Marie-Antoinette est, quant à elle, l’équivalent de nos vêtements homewear.




(>>> Découvrez les dessous de l’histoire du portrait de la reine en robe de gaulle dans mon article sur les tableaux célèbres de Marie-Antoinette.)
La reine donne aussi le ton côté couleurs. Elle aime les teintes pastel (bleu, jaune, mauve, vert, gris), la gamme des blancs et le rose, bien sûr, qu’un jour elle décrète inconvenant après 30 ans… avant de se raviser.

Elle inspire ou lance même de nouvelles nuances. Les teintes cheveux de la reine (un blond cendré), puce (un rouge brun) ou encore caca dauphin (entre le jaune et le vert) deviennent des teintes phares. Le baron de Besenval, un des amis de Marie-Antoinette, conseille ainsi en ces termes le duc de Chartres, de retour à la cour après une longue absence :
« Je vais vous mettre au courant : ayez un habit puce, une veste puce, une culotte puce, et présentez-vous avec confiance ; voilà tout ce qu’il faut aujourd’hui pour réussir à la Cour. »
(dans les Souvenirs de Félicie par Mme Genlis)

Marie-Antoinette ne supporte pas ce qui est démodé. Dans son idéal, tous les courtisans devraient se mettre au diapason des nouvelles tendances pour éviter les fashion faux pas. Alors les grandes familles tentent de suivre l’air du temps, quitte à se ruiner. D’ailleurs, la reine aussi dépense des fortunes pour assouvir sa passion de la mode, ce qui ne manquera pas de lui être reproché. Comme toute influenceuse, Marie-Antoinette a aussi ses haters…
L’influence de la reine en matière de mode dépasse largement les frontières du royaume grâce aux pandores, ces poupées de modes que l’on envoie depuis la Renaissance dans les cours étrangères pour diffuser les nouveautés vestimentaires. En France comme à l’étranger, chacune veut copier le style Marie-Antoinette. Ses traits sont même repris sur les modèles des gravures de mode, technique marketing redoutable pour doper les ventes !


Finalement, comme le résume très bien l’historienne Hélène Delalex :
« Marie-Antoinette n’était pas à la mode. Elle était la mode. »
Les coiffures virales de Marie-Antoinette
Quand Marie-Antoinette arrive à Versailles, les dames de sa maison, relativement âgées, portent encore des coiffures dites « petite tête », en vogue sous Louis XV. Là encore, Marie-Antoinette va incarner la rupture avec l’ancien temps, grâce à Léonard, LE coiffeur à la mode. Au milieu des années 1770, celui-ci révolutionne son art en créant une coiffure tout en hauteur, nommée « pouf » (nom masculin ; ne vous y méprenez pas 😉). Aussitôt créé, aussitôt adopté par Marie-Antoinette, et par ricochet, par les dames de la cour, qui veulent à tout prix lui ressembler. La chevelure est tractée à la verticale à l’aide de rembourrages placés sur le dessus de la tête, qui donnent du volume, un peu comme nos buns actuels… en beaucoup, beaucoup, plus gros. En guise d’ornements, des plumes, mais aussi toutes sortes de décorations permettent de laisser libre cours à l’imagination et d’exprimer ses idées, et ça, Marie-Antoinette l’a bien compris.
Si le naïf pouf aux sentiments, un des premiers modèles aperçu sur la tête de la duchesse de Chartres, intègre des portraits d’êtres chers fichés dans la masse capillaire, les modèles suivants ne vont pas tarder à faire passer des messages. En effet, Rose Bertin a l’idée de concevoir, en collaboration avec Léonard, des mises en plis mettant en avant des faits d’actualité. Marie-Antoinette adhère et se sert de sa tête pour faire sa communication. Ingénieux ! Elle qui n’a aucun rôle politique s’autorise à véhiculer ses idées… sous couvert de coquetterie. Le pouf à la circonstance célèbre ainsi le changement de règne après la mort de Louis XV ; celui à l’inoculation, la « vaccination » réussie du roi et de ses frères contre la petite vérole (une campagne de santé publique avant l’heure en quelque sorte !). Le célèbre pouf à la Belle Poule glorifie la victoire des Français sur les Anglais et marque l’entrée en guerre de la France dans la guerre d’indépendance américaine. Ou quand la coiffure devient un outil politique… C’est un succès. Toutes les dames parent leur chevelure d’une frégate pour imiter la reine.

Un vent de folie souffle sur les têtes avec ces coiffures à thème. Certaines atteignent des hauteurs folles (jusqu’à 2 m !), compliquant les déplacements. Elles ne tardent pas à susciter au mieux la perplexité, au pire, des moqueries, incarnant le symbole de la décadence de la monarchie. Les caricaturistes s’en donnent à cœur joie.

Depuis la lointaine Vienne, Marie-Thérèse, l’impératrice-reine d’Autriche, s’inquiète de cette mode dont sa fille est l’instigatrice. Le 5 mars 1775 elle lui écrit qu’une « jeune jolie reine, pleine d’agréments n’a pas besoin de toutes ces folies. »
Marie-Antoinette lui répond simplement :
« Il est vrai que je m’occupe un peu de ma parure. »
Le pouf, comme toute chose à la mode, est éphémère. Les coiffures finissent par perdre en hauteur. Là encore, Marie-Antoinette est celle qui va populariser la prochaine tendance : la coiffure dite à l’enfant. Ce serait Léonard, toujours, qui, constatant que la reine perdait ses cheveux après la naissance de son premier fils en 1781, eut l’idée de les couper court sur le dessus tout en conservant les longueurs autour de la nuque. La coupe mulet de l’époque en quelque sorte… Enfin pas tout à fait, car les cheveux étaient crêpés tout autour du visage, l’entourant « d’une auréole crêpelée qui donnait beaucoup de douceur aux traits. On s’appliquait à donner à cette coiffure un air négligé et souple. Des boucles légères tombaient sur la gorge » (d’après le coiffeur Stéphane au début du XXe siècle, dans son livre L’art de la coiffure féminine).

Et hop, toute la cour adopte la coiffure à l’enfant ! Et comme d’habitude, on retrouve la mise en plis lancée par la reine dans les revues de modes.

On vient de le voir, la reine est la toute première influenceuse de l’histoire (même si ce terme est tout à fait anachronique). Le style Marie-Antoinette va marquer durablement les esprits. Aujourd’hui, il continue d’inspirer de nombreux créateurs comme Thierry Mugler, John Galliano, Vivienne Westwood, Karl Lagerfeld ou encore Manolo Blahnik. Ce dernier est d’ailleurs le partenaire de l’exposition Marie-Antoinette de Londres qui se tient jusqu’en mars 2026.
D’influenceuse à icône, il n’y a qu’un pas ! Qu’en pensez-vous ?
Stéphanie
Sources :
– Galerie des modes et costumes français, dessinés d’après nature, 1778-1787, volume 1 et volume 4, Paul Cornu
– L’art de la coiffure féminine : son histoire à travers les siècles par Stéphane
– Les principaux types de robes sous Marie-Antoinette, Temps d’élégance
– Marie-Antoinette, La légèreté et la constance, Hélène Delalex
– Marie-Antoinette, Charles-Eloi Vial