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Rose Bertin

Rose Bertin : Celle qui réinventa le dressing de la reine

Qui est Rose Bertin (1747-1813), cette « ministre » des modes qui ne se maria jamais, ne fit pas d’enfants et consacra sa vie au commerce des apparences ? Comment cette roturière picarde a-t-elle trouvé une place de choix dans l’intimité versaillaise de Marie-Antoinette ? Quelles sont les innovations qui ont fait de cette marchande de modes une personnalité qui a traversé les siècles ? Venez découvrir le parcours flamboyant et le destin original Mlle Bertin, celle qui réinventa les tenues de la Reine de France !

Note : cet article sur Rose Bertin a été rédigé par Marie Jacob, rédactrice web SEO de talent et historienne moderniste de formation, qui a notamment étudié l’ascension des marchands au XVIIIe siècle. J’espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à le lire. Rendez-vous en fin d’article pour une petite révélation. 🤫 En attendant, bonne lecture !

Rose Bertin et Marie-Antoinette : l’association inattendue de la roture et de la royauté

Marie-Jeanne Bertin défie dès ses premières années les statistiques sociales de l’Ancien Régime. Fille d’un soldat de la maréchaussée d’Abbeville, 6e enfant d’une famille recomposée, elle n’est pas destinée à régir le goût du XVIIIe siècle.

L’itinéraire picard : l’ascension de Mlle Bertin, marchande de modes

Née le 2 juillet 1747 et issue d’un foyer très modeste, Marie-Jeanne est placée à 9 ans en tant qu’apprentie chez une tante, marchande de modes. Rapidement, elle se distingue par son sens de l’esthétique et son audace. Elle rejoint Paris à 16 ans où elle commence modestement dans une boutique du quai de Gesvres. Les marchands de mode au XVIIIe siècle vendent les accessoires des tenues : plumes, rubans, dentelles, etc. Ils ne sont pas couturiers. Ils personnalisent, ils embellissent, ils ont une vision globale du vêtement. Marie-Jeanne Bertin est de ceux-là. À 23 ans, en 1770, elle ouvre son propre magasin rue Saint-Honoré, artère brillante de la capitale. Mademoiselle Bertin est alors une « fille majeure » : célibataire sans être veuve, elle jouit des droits et du statut légal d’un adulte.

Le Grand Mogol : épicentre de l’élégance parisienne

Son enseigne, « Le Grand Mogol », évoque les textiles fins, suggère l’exotisme et symbolise le luxe. Mlle Bertin emploie alors 30 couturières et une centaine de fournisseurs de tissus. Connue pour ses prix exorbitants et son attitude parfois détestable, elle habille les aristocrates de France et d’Europe et quelques grandes bourgeoises. C’est ainsi qu’en 1774, à Marly, la duchesse de Chartres la présente à Marie-Antoinette. Elles ont 8 ans d’écart, mais sont l’une et l’autre au seuil des grands bouleversements sociaux et politiques du XVIIIe siècle.

Marie-Antoinette devient dauphine quand Mlle Bertin s’impose sur le marché des modes. Les deux femmes synchronisent leurs aspirations. Marie-Antoinette est une reine sans autorité et sans pouvoir, elle rencontre Marie-Jeanne Bertin sur un terrain qui sera son champ d’action privilégié : la mode.

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L’improbable amitié : deux femmes au tournant d’une période

Marie-Antoinette n’est pas, comme certains ont pu l’affirmer, sous la coupe de sa ministre des modes. Elle a son propre goût et ses convictions en matière d’étoffes et d’accessoires. Les deux femmes partagent un même sens esthétique et sont résolument tournées vers la modernité. Mlle Bertin profite de la caution de la reine pour justifier ses prix, ses audaces. Elle crée sa marque grâce à la souveraine. Marie-Antoinette s’appuie sur une faiseuse de modes au goût sûr qui accompagne ses ambitions. Ensemble, elles initient les tendances de l’Ancien Régime, inventent la notion de saisons, de renouvellement, de collections éphémères. Toutes les deux amorcent l’idée de l’influence, de la publicité et de la promotion en matière d’habillement. Elles créent le terreau de ce qui deviendra la haute couture.

Gouache sur papier de Gautier Dagoty représentant Marie-Antoinette en train de jouer de la harpe dans sa chambre, avec Rose Bertin lui présentant une boîte remplie de plumes.
Sur cette gouache de Gautier-Dagoty représentant la reine Marie-Antoinette jouant de la harpe, on distingue la modiste Rose Bertin. Les cheveux enveloppés dans une coiffe noire, elle présente des plumes à la reine. ©Chateau de Versailles

Mademoiselle Bertin : l’extravagance et la modernité de la ministre des modes

Cela peut paraître paradoxal, mais la mode instituée par Marie-Jeanne Bertin pour Marie Antoinette est à la fois celle de l’excès et du dépouillement. Dans les deux cas, elle bouscule l’Étiquette.

Le culte de l’exagération

La fin du XVIIIe siècle voit la hausse ahurissante des dépenses vestimentaires et le début de ce qu’on appellerait aujourd’hui la société de consommation. Il est vrai que Mlle Bertin fait dépenser des fortunes à la reine dont le budget de la garde-robe double en 10 ans. La faiseuse de modes fabrique de grands habits de cour flamboyants. Elle s’occupe aussi, avec le coiffeur Léonard, des cheveux de la souveraine et instaure les très grands bonnets piqués de décors. Ces hautes parures de tête, nommées « poufs », exagérés jusqu’au ridicule par les caricaturistes, permettent aux femmes d’arborer tous les messages excentriques. L’exagération est le mot d’ordre ; à tel point que Marie-Thérèse d’Autriche, la mère de Marie-Antoinette, est affligée par l’accoutrement de sa fille.

« Une jeune jolie reine, pleine d’agréments, n’a pas besoin de toutes ces folies. » (Marie-Thérèse à Marie-Antoinette le 5 mars 1775)

La désacralisation du corps de la reine

Il faut dire que la reine est le modèle idéal pour rayonner en Europe. Avec les premières gravures de mode, elle devient mannequin ; son corps est désacralisé par le vêtement. Marie-Antoinette s’expose en tant que femme (ce qui lui vaut de nombreux pamphlets obscènes). Après ses maternités en 1778 et 1781, la reine aspire à des tenues plus fluides. Mlle Bertin lance alors une nouvelle tendance : les robes champêtres en mousseline. Avec l’établissement au Petit Trianon, on épure, on se passe d’artifice, on se rapproche de quelque chose de plus naturel, plus conforme aux corps des femmes. La fameuse « robe en chemise » libère le corps de la souveraine et de ses courtisanes. Marie-Antoinette est alors taxée d’impudique, mais le chemin se fait. Le vêtement de la reine devient plus commode, moins contraignant, plus adapté au corps. Et il influence l’ensemble des femmes.

Marie-Antoinette en robe de gaulle par Élisabeth Vigée-Lebrun en 1783
Ce portrait de Marie-Antoinette en robe légère et sans parure fit scandale au salon de l’Académie royale de peinture de 1783.

L’entaille dans l’Étiquette

Le désir d’indépendance et de liberté du corps de la reine marque un tournant dans le protocole avec la remise en cause de l’Étiquette. Pilier du culte monarchique, l’Étiquette désigne l’ensemble de règles qui organisent la vie de la famille royale. L’habillement est au cœur de ce cérémonial. Et c’est précisément par le contournement de l’Étiquette que Marie-Antoinette règne sur sa cour. Les robes des courtisanes attestent de leur allégeance, elles sont aussi le moyen de maintenir la distinction. Pour conserver leur rang, les princesses, duchesses et comtesses s’habillent chez Mlle Bertin pour se démarquer des bourgeoises ambitieuses. Le vêtement reste un enjeu entre grands bourgeois et petits aristocrates. Pendant que Marie-Antoinette soumet les femmes à sa mode, Marie-Jeanne se substitue aux femmes de cour.

Le grand Mogol et la Révolution : la fin d’un monde, la fin d’une mode

À la fois courtisée et détestée par l’entourage de la reine, Mlle Bertin amasse une fortune considérable et conforte sa marque. Elle habille et conseille les danseurs d’opéra, les militaires, les artistes et les intellectuels de France et d’Europe.

L’épreuve de la Révolution

Dès les premiers remous de 1789, Mlle Bertin fait des allers-retours entre Paris et les cours européennes pour écouler ses robes. Lorsque la Révolution éclate, elle ne se lance pas dans le marché des tenues révolutionnaires et se contente de livrer quelques cocardes. Le début de la période lui est profitable : elle réalise quelques bonnes affaires immobilières et tente de rester le plus longtemps possible à Paris. Le Grand Mogol reste ouvert pendant toute la Révolution, les ambassadeurs étrangers lui confient les commandes des cours européennes. Mais dès 1792, la République se tourne vers les fortunes des marchands pour renflouer les caisses de l’État, mettant en danger les commerçants.

La fidélité à la reine

Pendant l’emprisonnement de Marie-Antoinette, Mlle Bertin continue de livrer au Temple des tenues modestes pour des sommes dérisoires. Il faut saluer son courage : continuer à habiller une reine déchue est dangereux dans un contexte de remise en cause de la monarchie. Et pourtant, elle fournit le grand habit de deuil de Marie-Antoinette après l’exécution de Louis XVI, prenant un risque pour sa propre personne. En février 1793, elle apporte encore à la prisonnière tremblante de froid dans sa prison, bas et chaussettes. Indéniablement, ce n’est plus la marchande qui livre Marie-Antoinette à la Conciergerie, mais véritablement l’amie d’autrefois. En mars 1793, elle fuit la France de justesse alors que la Terreur s’abat sur le pays. Elle est à Londres quand elle apprend la décapitation de la reine.

L’influence perdue

Quand elle rentre en France en 1795, elle récupère ses biens, recouvre certaines créances et tente de reconstruire sa splendeur passée. Pendant son exil londonien, elle s’est fait doubler par des citoyennes qui étaient du bon côté pendant la Révolution et ne peut plus pratiquer ses prix extravagants. Mlle Bertin s’entoure alors de jeunes gens défrayant la chronique par leur audace et leur beauté, mais elle ne résiste pas aux nombreux bouleversements politiques du changement de siècle. Sous le Directoire, elle ne retrouve jamais sa notoriété et périclite sous l’Empire. Elle meurt, à 66 ans, dans un certain anonymat en 1813 ; le Grand Mogol ferme ses portes trois ans plus tard. Quand Marie-Jeanne Bertin trépasse, cette chef de famille sans mari ni enfant a assuré l’avenir des siens, qui l’ont suivie dans la capitale. Elle a placé les plus jeunes, marié ses nièces à de grands bourgeois, logé les plus fragiles et protégé les plus âgés. La vie de Mlle Bertin, ne fut pas qu’une histoire de chiffons ou de rubans, ce fut celle d’une femme d’affaires qui bouscula les codes de l’Ancien Régime (sans pour autant lui survivre).

Terminons sur le fait que Rose Bertin n’a jamais existé. Aucune archive n’atteste de ce prénom. Mlle Bertin s’appelait Marie-Jeanne et personne de son vivant ne l’appela Rose. En réalité, ce sont les historiens du XIXe siècle qui lui ont donné le prénom de Rose. Après sa mort, surgit en 1824 la mode des mémoires apocryphes (mémoires imaginaires d’un personnage qui a vraiment existé). Les Mémoires de Mlle Bertin sur la Reine Marie-Antoinette racontent l’histoire d’une très jeune marchande de modes montée à Paris et qui habille la reine du temps de sa splendeur. Le prénom de « Rose » semblait davantage correspondre, dans l’esprit de l’auteur présumé, Jacques Peuchet, à l’esthétique des cabinets de la reine. Les héritiers de Mlle Bertin eurent beau dénoncer l’utilisation spéculative de leur parente, Rose reste jusqu’à aujourd’hui associée à Mlle Bertin. Ce prénom qui ne fut jamais utilisé du vivant de la marchande de modes a construit le mythe qu’elle est devenue. Elle qui avait inventé l’esthétique éphémère est passée à la postérité avec un prénom qui n’était pas le sien !

👉 Que diriez-vous de poursuivre votre lecture avec cet article qui détaille point par point le physique de la reine de France : à quoi ressemblait Marie-Antoinette ?

Marie JACOB pour Passion Marie-Antoinette

Sources :

Michelle Sapori, Rose Bertin, ministre des modes de Marie-Antoinette, Institut Français de la Mode, éditions du Regard, 2003, 318 p.
Michelle Sapori, Rose Bertin, couturière de Marie-Antoinette, Paris, Perrin, 2010, 178 p.

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Qui suis-je ?

Je suis Stéphanie Soulier. J’ai craqué pour Marie-Antoinette après avoir vu un docufiction sur Arte. Depuis… j’ai décidé de lui consacrer un blog. En savoir plus sur ma démarche.

Stéphanie Soulier du site Passion Marie-Antoinette

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