De la magie entoure Marie-Antoinette, qui serait une héroïne de conte malgré elle ?

Marie-Antoinette, une héroïne de conte malgré elle ?

Marie-Antoinette aurait-elle pu être une héroïne de conte ? Vous pensez sans doute que non, ou alors elle aurait été le personnage principal d’un conte de fées « à l’envers », qui commence bien et se termine mal. Laissez-moi vous démontrer que la vie de l’iconique reine de France présente tout de même d’étranges similitudes avec les histoires à dormir debout de princesses célèbres.

Marie-Antoinette une héroïne de conte ? Sa vie suit le schéma narratif de ce genre littéraire

Il était une fois une jolie reine prénommée Marie-Antoinette. Elle était mariée à Louis XVI, un roi élu de Dieu qui détenait tous les pouvoirs. Sa femme disait de leur royaume que c’était le plus beau de l’Europe. Cependant, dans son grand palais de Versailles, elle s’ennuyait un peu. L’étiquette était pesante, elle était entourée de vieilles dames pas très drôles. Son mari, bien qu’adorable, ne lui plaisait pas. Alors elle cherchait dans les divertissements une échappatoire. Elle aimait s’amuser : faire du traîneau l’hiver comme quand elle était petite à Vienne, pratiquer l’équitation, jouer aux jeux d’argent. Elle appréciait les belles toilettes et les bijoux. Elle voulut se créer son royaume à elle, sur lequel elle serait seule à régner. Elle déciderait de qui elle invitait. C’est ainsi qu’elle arrangea le domaine du Petit Trianon à son image. Elle s’y sentait bien. « Ici, je ne suis pas la reine, je suis moi. » disait-elle. Un jour, elle rencontra Axel de Fersen, un beau prince suédois qui fit chavirer son cœur. Elle l’aimait, mais secrètement, car n’oublions pas qu’elle était tout de même la reine de France.

Au loin, le peuple, qui était accablé d’impôts et subissait les famines, commençait à voir d’un mauvais œil cette princesse qui semblait ne rien se refuser tandis que lui peinait à subsister. Il se révolta. La faim lui dicta d’aller chercher la reine et sa famille, et de les ramener à Paris ; ce qu’il fit. Il installa les souverains et leurs enfants dans un palais déserté depuis longtemps. Puis le peuple tenta de faire changer profondément les lois du royaume, mais les monarques ne voulaient pas. En douce, ces derniers cherchaient des alliances avec l’étranger, mais aussi avec des révolutionnaires modérés, tout en faisant croire qu’ils acceptaient certaines réformes. Voyant que cette stratégie ne fonctionnait pas et qu’ils ne récupéraient pas leur pouvoir, ils décidèrent de fuir, avec l’aide précieuse de Fersen, le chevalier servant prêt à tout pour sauver sa reine. Bien que déguisés, le roi et la reine furent reconnus à Varennes, et ramenés de force à Paris. Le peuple était très en colère et accentua sa surveillance. Il finit par envahir le palais parisien. Il mit fin à la monarchie et jeta la famille en prison dans une grosse tour sombre et hideuse. Il jugea le roi et décida de lui trancher la tête. Puis il fit subir le même sort à la reine quelques mois plus tard. Le peuple exultait. Ses tyrans étaient morts.

Leurs enfants furent délaissés et le petit garçon mourut dans le dénuement. La petite fille, elle, résista à ces horreurs. Mais elle ne vécut pas heureuse et n’eut pas d’enfant. Et le peuple ne fut pas beaucoup plus heureux par la suite. Mais l’ordre des choses et la société avaient été profondément changés et l’absolutisme n’était plus qu’un lointain souvenir. Fin.

Eh oui, c’est triste, mais tous les contes ne sont pas joyeux, il ne faut pas mélanger conte et dessin animé Disney. En revanche, dans le parcours historique de Marie-Antoinette, on retrouve curieusement le schéma narratif de ce type de récit :

  • Une situation initiale : tout va (presque) pour le mieux dans le meilleur des mondes.
  • Un événement déclencheur : la Révolution française.
  • Des péripéties : les tractations, l’épopée de la tentative de fuite, l’arrestation et le retour à Paris.
  • Un dénouement : Le roi et la reine sont tués.
  • Situation finale : La monarchie absolue n’existe plus, laissant la place à d’autres formes de pouvoir possibles.

CQFD.

Un mauvais sort jeté sur Marie-Antoinette comme sur la Belle au bois dormant

Un sortilège aurait-il frappé le berceau de Marie-Antoinette comme celui de la Belle au bois dormant ? Une méchante fée, ou les dieux, auraient-ils usé de magie et décidé que sa vie serait marquée par le malheur ? Laissons le merveilleux de côté et concentrons-nous sur les faits, qui pourraient bien le laisser croire aux plus superstitieux d’entre nous. Tout d’abord, l’archiduchesse d’Autriche est née un 2 novembre (1755). Un jour des Morts. Mauvais présage ? Nuançons. 2 000 personnes naissent chaque année un 2 novembre et espérons que ce hasard du calendrier ne leur porte pas la poisse… Il n’empêche, l’historienne Catriona Seth rappelle que, « Marie-Antoinette aurait rappelé parfois à ses auditeurs qu’elle souffrait d’être venue au monde le jour des Morts. » Ensuite, elle naît au lendemain d’un des plus grands cataclysmes de l’histoire, le tremblement de terre de Lisbonne. Séisme, tsunami, incendies : la catastrophe naturelle coûte la vie à des dizaines de milliers de personnes (les gazettes de l’époque parlent même d’une centaine de milliers de morts) et détruit la ville dans sa quasi-totalité. L’Europe entière est sonnée quand elle apprend la nouvelle. À Vienne, le surlendemain, on baptise le nourrisson dont les parrain et marraine ne sont autres que… le roi et la reine du Portugal ! Curieuse coïncidence, qui auréole ce baptême d’un sombre karma !

Avançons un peu dans le temps jusqu’au 16 mai 1770, jour du mariage de Marie-Antoinette et Louis XVI. Alors que le temps était jusqu’à présent au beau fixe, un orage éclate, empêchant le somptueux feu d’artifice prévu de se tenir, et ébranlant au passage les nerfs de la jeune épouse. Lors des illuminations tirées ensuite le 30 mai place Louis XV à Paris, une bousculade cause le décès d’au moins 132 personnes. Marie-Antoinette, qui se rendait sur les lieux du spectacle rebrousse chemin, bouleversée en apprenant le drame qui vient de se dérouler. Les victimes seront inhumées au cimetière de la Madeleine tout proche. Et devinez donc où a été enterrée Marie-Antoinette après son exécution ? Oui, elle a reposé sur les restes des morts des festivités de son mariage. Ironie du sort !

Plus tard, alors qu’elle n’a toujours pas d’enfant avec Louis XVI et qu’elle apprend les différentes grossesses autour d’elle, elle confie à sa mère dans un courrier du 13 janvier 1773 : « Quand pourrais-je en dire autant ? Je suis bien persuadée que, quand ce terrible charme sera rompu, tout ira fort bien. » Elle nuance son propos juste après, reconnaissant que ce « maudit charme » résulte de leur « jeunesse » et de leur « maladresse ». Pour autant, par l’emploi de ce vocabulaire surnaturel, elle sème le doute pour qui veut croire à un châtiment divin. Elle est de toute façon persuadée qu’elle porte la guigne.

« Je vous porte à tous malheur et vos peines sont pour et par moi. » Marie-Antoinette à la duchesse de Polignac, 29 décembre 1789

Ces exemples ne sont pas exhaustifs. La reine s’est émue d’autres petits signes du destin ou pressentiments tout au long de sa vie, confortant la pensée qu’elle était effectivement, au mieux née sous une mauvaise étoile, au pire victime d’un maléfice d’une fée Carabosse.

Un prince charmant comme dans les contes Disney

Que serait un conte de fées sans prince charmant ? Surtout dans les Disney ! Blanche-Neige, Cendrillon, Belle, Aurore, etc., toutes ces héroïnes rencontrent un chevalier servant – en général plutôt bel homme – dont elles tombent amoureuses. Marie-Antoinette n’y échappe pas. Ce beau prince est bien sûr le comte Axel de Fersen, un Suédois de passage en France pour faire son Grand tour, une sorte de voyage initiatique. Les deux jeunes gens font connaissance à un bal masqué donné à l’Opéra de Paris le 30 janvier 1774. Ils discutent et se séduisent. Comme dans Cendrillon, le beau prince ne connaît pas l’identité de celle qui le met en émoi. Il apprendra après qu’il s’agissait de la dauphine ! Ils se recroisent quelquefois à Versailles, puis le jeune homme s’engage dans la guerre d’Amérique. À son retour, il s’arrange pour rester en France et demande l’aide de celle qui est maintenant reine pour acheter un régiment près de Valenciennes. Ses passages (voire séjours) à Versailles sont nombreux. Une relation suivie s’installe ainsi entre Marie-Antoinette et Fersen. Amours platoniques ou plus poussés ? Personne ne le sait. En tout cas, ce qui est sûr c’est qu’il existe entre eux un réel attachement et même un sentiment amoureux, confirmé par les mots doux qu’ils échangent dans leurs billets dès qu’ils sont loin l’un de l’autre. So romantic ! Fersen fera tout pour essayer de sauver sa belle de la furie des révolutionnaires. En vain. Il restera marqué toute sa vie par le destin tragique de sa dulcinée.

« Je vous aime et vous aimerai toute ma vie à la folie. » Axel de Fersen à Marie-Antoinette le 29 octobre 1791

« Je vais finir, non pas sans vous dire, mon cher et bien tendre ami, que je vous aime à la folie et que jamais, jamais je ne peux être un moment sans vous adorer. », Marie-Antoinette à Fersen, le 4 janvier 1792

Une princesse qui perd son soulier comme Cendrillon

Vous vous souvenez que, quand minuit sonne, Cendrillon prend soudainement la poudre d’escampette. Elle doit faire vite, car le charme va se rompre, et la vérité de sa triste condition risque d’éclater au grand jour. C’est alors qu’elle perd une pantoufle en chemin ; pantoufle qui sera le vecteur de son élévation au rang de princesse par la suite puisqu’elle permettra au prince de la retrouver et de l’épouser. D’une certaine façon, Marie-Antoinette est comme l’héroïne du célèbre conte, mais avec un effet miroir. Déjà, il n’est pas minuit, mais midi quand elle égare sa chaussure. L’histoire raconte qu’en montant à l’échafaud en ce jour funeste du 16 octobre 1793, elle aurait perdu un soulier. En avançant vers son destin, elle laisse derrière elle ce symbole de son ancien statut, et de son corps de femme vivante. Elle est déjà morte et s’apprête à rejoindre son mari dans l’au-delà. Sa décapitation fait d’elle une martyre et un mythe. Elle laisse aux humains et à la postérité de quoi faire vivre son culte à travers ce soulier qui devient, de fait, une relique.

Si vous voulez voir cette fameuse chaussure, sachez que c’est possible. Elle aurait été ramassée par un individu et achetée immédiatement par le comte de Guernon-Ranville. Plus tard, elle fut remise au musée des Beaux-Arts de Caen. Elle fait partie des objets de Marie-Antoinette à la Conciergerie.

Soulier de Marie-Antoinette perdu en montant à l'échafaud.
Le soulier de Marie-Antoinette perdu en montant à l’échafaud le 16 octobre 1793. Musée des Beaux-Arts de Caen/Conciergerie. Photo personnelle.

 

Un village enchanteur comme dans un dessin animé Disney

Une recherche des internautes en anglais dans Google a retenu mon attention au moment de préparer cet article : « Marie-Antoinette fairy tale village » (Marie-Antoinette village de conte de fées). Intéressant ! Quel est donc ce village de conte de fées ? Les résultats proposés par le moteur de recherche renvoient… au hameau de la reine. C’est vrai que ce bourg a des airs de ressemblance avec celui de la Belle et la bête, de Blanche-Neige ou même de Disneyland, avec ses vieilles bâtisses aux toits de chaume, ses ponts enjambant de ravissants cours d’eau, son lac et sa tour plantée à l’extrémité ! Curieusement, la même requête n’est pas recherchée pas en français (ou du moins, pas de manière significative au moment où j’écris ces lignes). Il n’y aurait donc que les Anglo-Saxons pour voir dans les bâtiments un décor de conte de fées ?

Laissons cette considération de côté pour nous concentrer sur le fond du propos. Si l’on y regarde de plus près, tout n’est qu’illusion au hameau. Comme dans Alice au pays des merveilles, il ne faut pas se fier aux apparences. Ce faux village rustique a été construit de toutes pièces dans les années 1780. Même le lac est artificiel. Les façades volontairement délabrées de la maison de la reine abritent en réalité un décor des plus raffinés. Comme Alice, Marie-Antoinette a besoin de fantaisie et de divertissement. La mode est alors au retour à la nature, impulsé notamment pas les idées de Rousseau. Mais n’allez pas croire que ces constructions sont un pur caprice de souveraine qui s’ennuie. Non. On l’oublie souvent, mais derrière l’apparence d’idéal champêtre et bucolique, l’endroit a aussi une visée pédagogique : la reine voulait montrer à ses enfants la réalité du monde paysan. L’ensemble comprend d’ailleurs une vraie ferme, avec un vrai fermier, Valy Bussard. Et contrairement à une idée reçue, Marie-Antoinette n’y jouait pas à la bergère. La présence de moutons (ou non) continue de faire débat. En tout cas, il n’y avait pas de bergerie dans les bâtiments.

Le hameau de la reine, un village de conte de fées ?
Le hameau de la reine : comme un air de village de conte de fées. Photos personnelles.

 

Finalement, Marie-Antoinette a tout d’une héroïne de conte (de fées), non ? Mais je crois que ce n’est pas demain la veille qu’on verra une adaptation de la vie de Marie-Antoinette en Disney (à moins que je ne me trompe ?).

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Si vous voulez mieux connaître la vie de la célèbre reine de France, lisez cet article consacré à l’histoire de Marie-Antoinette.

Sources :

– Seth Catriona, Marie-Antoinette, Anthologie et dictionnaire, Paris : Robert Laffont, 878 p.
– Rohrbasser Jean-Marc, Le tremblement de terre de Lisbonne : un mal pour un bien ?, in Annales de démographie historique 2010/2 (n° 120) [en ligne] (consulté le 30/03/2023).
– Le Monde, La date de votre anniversaire est-elle commune ou exceptionnelle ?, [en ligne] (consulté le 30/03/2023).

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2 réponses

  1. J’ai beaucoup aimé cet article ! Comme tu le dis, tous les contes ne sont pas joyeux et il ne faut pas les confondre avec des dessins animés Disney. À ce sujet, « Et à la fin, ils meurent » de Lou Lubie (top pour les ados) donne la version authentique des contes, et ils sont bien plus rock and roll qu’on ne le croit ! La vie de Marie Antoinette pourrait y figurer

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Les idées reçues sur Marie-Antoinette sont nombreuses. Apprenez à mieux la connaître avec des articles sur son histoire, ses lieux de mémoire et un tas d’anecdotes !
 
Bonne lecture !

Qui suis-je ?

Je suis Stéphanie Soulier. J’ai craqué pour Marie-Antoinette après avoir vu un docufiction sur Arte. Depuis… j’ai décidé de lui consacrer un blog. En savoir plus sur ma démarche.

Stéphanie Soulier du site Passion Marie-Antoinette

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