Vienne, le 19 avril 1770. En cette fin d’après-midi, l’église des Augustins est le théâtre d’un événement d’une importance capitale pour l’Europe du XVIIIe siècle : le mariage par procuration de Marie-Antoinette avec le dauphin de France. Fruit de longues tractations entre le roi Louis XV – le grand-père du futur époux – et l’impératrice Marie-Thérèse – la mère de l’archiduchesse – cette union scelle le rapprochement de deux familles hier ennemies, les Bourbons et les Habsbourg. En ce 19 avril, ce n’est pas Louis-Auguste, le futur Louis XVI, qui endosse le rôle du marié, mais un des frères de l’archiduchesse, Ferdinand. Le mariage de Marie-Antoinette, le vrai, aura lieu quelques semaines plus tard, le temps pour celle qui est désormais dauphine de France de faire ses adieux à ses proches et à son Autriche natale, puis de se mettre en route pour Versailles. Le 13 mai, après 3 semaines d’un voyage fatigant, la jeune fille, âgée de 14 ans seulement, rencontre enfin son futur époux à Compiègne. Il est à peine plus vieux qu’elle. Le grand jour, lui, est fixé au mercredi 16 mai 1770. Vers 10 h ce matin-là, Marie-Antoinette foule pour la première fois le damier blanc et noir de la cour de marbre du château de Versailles et est conduite dans ses appartements, ceux de feu sa belle-mère, la précédente dauphine, Marie-Josèphe de Saxe. Il est maintenant temps pour la mariée de s’apprêter pour la cérémonie qui va suivre.
Préparez-vous pour une lecture immersive, vous allez assister aux noces de Marie-Antoinette et Louis XVI !
Pour le grand jour, le marié arbore la tenue brodée d’or de l’ordre du Saint-Esprit, surmontée de son cordon bleu caractéristique. La mariée, quant à elle, revêt un grand habit de brocart blanc et argent. La robe de mariage de Marie-Antoinette n’est pas parvenue jusqu’à nous. Mais pour se donner une idée de sa splendeur et de sa magnificence, il n’y a qu’à contempler celle que portait Hedwige Élisabeth Charlotte de Schleswig-Holstein-Gottorp lors de son mariage avec le roi de Suède Charles XIII en 1774, la cour suédoise étant alors très influencée par l’étiquette vestimentaire française.
Les futurs époux brillent de mille feux. Il faut dire que leurs vêtements de noces sont parsemés de diamants. Mais il y a un couac, que note dans son journal l’une des invitées, la duchesse de Northumberland. Les immenses paniers de la jupe de Marie-Antoinette la font paraître minuscule, si bien que la duchesse lui donne à peine 12 ans. Mais surtout, son corsage, mal ajusté, laisse entrevoir le laçage dans le dos, ce qui est du plus mauvais effet d’après la spectatrice. Erreur de couturière ou acte malintentionné dans un Versailles partagé entre pro et anti Autriche ? Qui peut savoir…
Il est bientôt 13 h quand la dauphine, enfin prête, rejoint le dauphin dans le cabinet du roi.
Il est maintenant l’heure de célébrer le mariage royal. Emboîtant le pas au grand-maître des cérémonies et en grand cortège, Louis XV et les futurs mariés prennent la direction de la chapelle royale. Le château de Versailles est noir de monde pour l’occasion et tous les yeux sont braqués sur le jeune couple. Des tribunes ont été installées un peu partout, certaines dotées de 6 rangées de gradins. Des invitations ont préalablement été distribuées, donnant des accès plus ou moins limités selon le statut social. « Les dames de Paris, suivant les billets, garnirent de bon matin les balustres et banquettes qui étaient tout du long de l’appartement et de la galerie en amphithéâtre : cela faisait un bel effet. », relate le duc de Croÿ. On peut facilement imaginer à quel point la scène doit être impressionnante pour une archiduchesse plus habituée à une vie de cour simple et tranquille à Vienne sous l’autorité de Marie-Thérèse d’Autriche, qu’au bling-bling versaillais. Mais elle ne laisse rien paraître de son émoi. Lentement, le cortège rejoint la chapelle, le point d’orgue du mariage, qui accueille les heureux mariés au son… des grandes orgues.
« La chapelle, où nous avions fait construire des gradins, était remplie de monde », Papillon de la Ferté (intendant des Menus-Plaisirs)
Le couple s’avance jusqu’à l’autel et s’agenouille sur d’épais coussins de velours. L’archevêque de Reims, assisté des évêques de Senlis et de Chartres, officie. Il bénit, comme le veut la tradition, 13 pièces d’or et l’alliance, que Louis-Auguste enfile maintenant à l’annulaire gauche de Marie-Antoinette.
« Les mariés n’eurent pas l’air embarrassé, tout se passa de bonne grâce », note le duc de Croÿ dans son journal
Une messe suit la bénédiction nuptiale, puis vient le moment de signer les registres, apportés par le curé de la paroisse Notre-Dame. Louis XVI les paraphe d’une main assurée. La jeune mariée, elle, a l’écriture plus hésitante. Les lettres tracées par sa plume sont tremblantes. Pire, une tâche d’encre souille un des 2 registres, ce qui ne manquera pas d’être commenté plus tard, d’aucuns y voyant un mauvais signe (si cela vous intéresse, je consacre d’ailleurs une question de mon livre Marie-Antoinette. L’essentiel à la « mauvaise étoile » de la reine). La cérémonie dure environ une heure : « À 2 heures, tout fut fait », précise le duc de Croÿ.
Juste après la cérémonie, Marie-Antoinette retourne dans ses appartements où défile, pour lui prêter serment, tout le personnel qui lui est attaché. Les ambassadeurs lui sont aussi présentés. On lui remet enfin sa « corbeille », un sublime cabinet en noyer et bronze doré contenant bijoux et objets précieux. Parmi eux, « une montre d’émail bleu avec sa chaîne tout en diamants », « une tabatière et un éventail, le tout de la plus grande richesse » détaille Papillon de la Ferté, mais aussi des parures ayant appartenu aux précédentes dauphines, Marie Leszczynska et Marie-Josèphe de Saxe. Et même un collier de perles d’Anne d’Autriche !
Marie-Antoinette a-t-elle eu le temps d’avaler un morceau pour se remettre de ses émotions et affronter la longue soirée qui l’attend ? Aucun des observateurs n’en a parlé. Vers 18 h, elle se rend dans la galerie des Glaces, où 70 tables ont été installées pour le « jeu du roi ». On mise au lansquenet (un jeu de cartes) ou au cavagnole (un genre de loto) sur un fond de musique et devant près de 6 000 personnes ! Dehors, un orage a éclaté, qui dure toute la soirée et oblige à reporter le feu d’artifice. Si dans les jardins le ciel s’est assombri, l’intérieur du château, lui, est étincelant. Le mélange des torchères, des lustres en cristal et des habits richement décorés fait « un très grand effet » témoigne le duc de Croÿ. La séance de jeu s’achève vers 22 h. Il est temps de souper. Le repas a lieu à l’Opéra royal, inauguré pour l’occasion, où une table pour 22 convives a été dressée.
Le banquet en grand couvert, c’est-à-dire en public, réunit les membres de la famille royale et les princes et princesses de sang, qui sont placés selon un ordre protocolaire. Seul en bout de table, le roi préside l’assemblée, avec à sa droite, le dauphin et à sa gauche, la dauphine.
Durant 2 h 30, les services se succèdent en musique, avec des joueurs vêtus à la turque. Marie-Antoinette, peut-être fatiguée par cette longue journée et mal à l’aise, mange avec peu d’appétit. Face à elle, Louis-Auguste semble pensif. C’est ce que relève la duchesse de Northumberland, invitée elle aussi au dîner-spectacle comme de nombreux courtisans, diplomates ou étrangers. Le regard perdu dans son assiette, il joue machinalement avec son couteau. Peut-être songe-t-il à l’épreuve qui l’attend juste après le repas de mariage, quand il va se retrouver seul dans le lit avec sa femme ? Marie-Antoinette, elle, échange avec le comte d’Artois, qui, toujours d’après la duchesse de Northumberland, lui fait la conversation et les honneurs.
À minuit et demi arrive le moment qu’appréhendent, sans aucun doute possible, Louis XVI et Marie-Antoinette : la nuit de noces. Les deux adolescents sont conduits dans la chambre de la jeune femme. Sous les yeux d’un public choisi, muni de billets « à grandes entrées » commence le cérémonial du coucher. L’archevêque bénit d’abord le lit. Puis les époux enfilent, chacun de leur côté, leur tenue de nuit. Comme le veut la tradition, Louis XV en personne passe la chemise à son petit-fils, tandis que la duchesse de Chartres fait de même avec Marie-Antoinette. Celle-ci prend place la première dans le lit, puis c’est au tour du dauphin, conduit par Louis XV, de se glisser sous les draps. Les rideaux s’ouvrent afin que l’assemblée puisse voir le couple, ensemble, dans la couche royale. Une révérence plus tard, tout ce petit monde se retire, les laissant seuls avec un objectif : passer à l’acte. Après tout, ce mariage n’a qu’un but, celui de donner un héritier à la couronne de France. Ont-ils tenté quelque chose, se sont-ils parlé ou bien les grands enfants qu’ils étaient encore se sont-ils endormis comme des masses après une longue journée riche en émotions ? Personne ne peut témoigner de ce qu’il s’est passé une fois qu’ils se sont retrouvés seuls. Tout ce que l’on sait, c’est que le mariage de Marie-Antoinette n’a pas été consommé cette nuit-là. Pas plus que les suivantes d’ailleurs, puisqu’il faudra 7 ans pour qu’ils franchissent le pas…
J’espère que vous avez aimé revivre le mariage de Marie-Antoinette heure par heure. Sachez que les festivités ne se sont pas arrêtées à cette seule journée du mercredi 16 mai 1770. Louis XV a vu les choses en grand pour cette union dynastique destinée à redorer l’image de son règne. Il ne lésine pas sur les dépenses puisqu’au total ces noces auront coûté la somme colossale de 9 millions de livres (environ). Les célébrations ont donc duré plusieurs jours, 9 exactement, avec, au programme des réjouissances : un opéra, un bal paré, un feu d’artifice dans les jardins de Versailles, une pièce de théâtre, un bal masqué et un feu d’artifice à Paris, qui se terminera en drame puisqu’une bousculade provoquera la mort d’une centaine de personnes au moins.
👣 Si cet article vous a donné envie d’en savoir (encore) plus sur l’emblématique reine de France, je vous conseille la lecture de la biographie de Marie-Antoinette.
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À très vite,
Stéphanie
Sources principales utilisées pour cet article sur le mariage de Marie-Antoinette :
— Journal du duc de Croÿ, tome 2
— Elizabeth Seymour Percy Duchess of Northumberland, The diaries of a duchess
— Journal de Papillon de La Ferté, intendant et contrôleur de l’argenterie, Menus-Plaisirs et affaires de la chambre du roi (1756-1780)
— La corbeille de mariage de la dauphine en 1770 : le premier serre-bijoux de Marie-Antoinette, Rebecca Tilles
— Gazette de France du 21 mai 1770
— Pierre de Nolhac, Le mariage de Marie-Antoinette, dans La Vie contemporaine : Revue de famille, 1er octobre 1893.
— Charles-Éloi Vial, Marie-Antoinette
— Simone Bertière, Marie-Antoinette L’insoumise
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Passion Marie-Antoinette : la vraie Vie de la Reine
Qui suis-je ?
Je suis Stéphanie Soulier. J’ai craqué pour Marie-Antoinette après avoir vu un docufiction sur Arte. Depuis… j’ai décidé de lui consacrer un blog. En savoir plus sur ma démarche.
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