Où est enterrée Marie-Antoinette ? Pour répondre à cette question, il faut distinguer le lieu d’inhumation de la souveraine juste après son exécution le 16 octobre 1793 (le cimetière de la Madeleine) du lieu où elle repose depuis l’exhumation de son corps en 1815 (la Basilique de Saint-Denis). Revenons ensemble sur l’histoire de l’enterrement de Marie-Antoinette. Cet article est l’occasion pour moi de vous faire découvrir en bonus un endroit qui reste méconnu, la Chapelle expiatoire à Paris.
Le cimetière de la Madeleine, le lieu où est enterrée Marie-Antoinette après son exécution
12 h 15 le 16 octobre 1793. Le couperet vient de tomber. La reine est morte. La place de la Révolution (actuelle place de la Concorde) exulte au son des « Vive la République ». Puis la liesse populaire laisse place au silence. Le peuple, qui attend depuis le matin, quitte les lieux. Il est temps d’aller manger.
Le corps de Marie-Antoinette est transporté en charrette au cimetière le plus proche, celui de la Madeleine, aujourd’hui disparu. Il faudra attendre la prochaine vague de suppliciés pour que la reine soit inhumée. Les choses sont allées tellement vite entre le prononcé de la sentence et l’exécution que rien n’a été prévu !
On creuse donc dans la fosse commune. C’est ici qu’a été enterré Louis XVI quelques mois plus tôt (et, bien avant, en 1770, les 132 victimes de la bousculade du feu d’artifice du mariage royal. Ironie du sort !). On y place le cercueil de Marie-Antoinette. On l’arrose de chaux vive, sur ordre de la Convention, pour éviter tout trafic de reliques royales. Les Détails de l’inhumation de Louis XVI et celle de la reine, conservés aux Archives nationales, précisent :
« Au moment où la Reine arriva sur la place Louis XV [place de la Révolution NDLR], elle demanda en grâce d’être enterrée à côté du roi ce qui lui fut accordé. Un homme à cheval vint à toute jambe au cimetière portant l’ordre du pouvoir exécutif à cet effet. Le corps de la Reine ne fut point porté à l’église, aucun prêtre n’eut la permission de l’accompagner. On le transporta directement au cimetière, où il fut inhumé à côté de celui du roi avec les mêmes procédés. On remarqua seulement qu’à cette époque on voyait encore des planches du cercueil du roy, ce qui prouverait que la chaux n’avait pas encore fait beaucoup de ravages. »
Deux riverains royalistes, Desclozeau et son gendre Danjou, assistent à l’inhumation de Marie-Antoinette (et avant elle, à celle de Louis XVI). Ils mémorisent l’emplacement des corps. Le cimetière finit par être mis en vente et Desclozeau l’achète en 1796. Il marque la zone de la fosse et devient gardien d’un secret bien encombrant en ces temps troubles. Rares sont ceux qui savent dire désormais où se trouvent les corps des monarques déchus… Puis le temps passe. Convention, Directoire, Consulat, Empire… le sort du couple royal n’intéresse plus grand monde.
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L’exhumation des corps de Marie-Antoinette et de Louis XVI en 1815
En 1814, 21 ans après le régicide, Louis XVIII, frère de Louis XVI, restaure la monarchie. Rapidement, il ordonne de rechercher les dépouilles royales. Un moyen de faire amende honorable, lui qui n’avait pas affiché un franc soutien au roi et surtout à la reine pendant les événements. L’enquête de terrain pour retrouver les fosses dure plusieurs mois. L’aide des témoins de l’inhumation, qui, souvenez-vous, avaient mémorisé l’endroit, est précieuse. Les premiers coups de pelles sont enfin donnés le 18 janvier 1815. Il faut faire vite, car 3 jours après, une cérémonie est organisée en la Basilique Saint-Denis pour la date anniversaire de la mort de Louis XVI.
À 2,60 mètres de profondeur, les pioches se heurtent à une couche dure : c’est la chaux ! Un des documents du registre contenant les pièces relatives à l’exhumation des dépouilles mortelles de Louis XVI et de Marie-Antoinette précise :
« Après avoir fait faire par des ouvriers, du nombre desquels se trouvait un témoin de l’inhumation de la Reine [Desclozeau ou Danjou NDLR], une découverte de terre de dix pieds de long sur cinq à six de largeur et cinq ou [texte manquant] environ de profondeur, nous avons rencontré un lit de chaux de dix ou onze pouces d’épaisseur, que nous avons fait enlever avec beaucoup de précaution, et sous lequel nous avons trouvé l’empreinte bien distincte d’une bière de cinq pieds et demi ou environ de longueur, ladite empreinte tracée au milieu d’un lit épais de chaux, et le long de laquelle se trouvaient plusieurs débris de planche encore intacts. Nous avons trouvé dans cette bière un grand nombre d’ossemens que nous avons soigneusement recueillis ; il en manquait cependant quelques-uns, qui sans doute, étaient déjà réduits en poussière ; mais nous avons trouvé la tête entière, et la position où elle était placée, indiquait d’une manière incontestable qu’elle avait été détachée du tronc. Nous avons trouvé également quelques débris de vêtemens, et notamment deux jarretières élastiques assez bien conservées, que nous avons retirées pour être portées à S. M., ainsi que deux débris du cercueil ; nous avons respectueusement placé le surplus dans une boîte que nous avons fait apporter en attendant le cercueil de plomb que nous avons commandé. Nous avons également mis à part et serré dans une autre boîte la terre et la chaux trouvées avec les ossemens, et qui doivent être renfermées dans le même cercueil.
Cette opération faite, nous avons fait couvrir de fortes planches la place où se trouvait l’empreinte de la bière de S.M. la Reine, et nous avons procédé, à la recherche des restes de S. M. Louis XVI. »
Chateaubriand est témoin de la scène. Frappé par la vue du visage de Marie-Antoinette miraculeusement préservé, il va jusqu’à écrire dans ses Mémoires d’outre-tombe :
« Au milieu des ossements, je reconnus la tête de la reine par le sourire qu’elle m’avait adressé à Versailles. »
Après les restes de Marie-Antoinette, ce sont ceux de Louis XVI qui sont exhumés, le lendemain. Les corps, ou plutôt ce qu’il en reste, sont placés chacun dans un cercueil de plomb, lui même placé dans un cercueil en bois ferré. Puis ils sont disposés sur un carrosse recouvert d’un imposant manteau royal noir surmonté de la couronne de France qui les emmène rejoindre leurs ancêtres dans la nécropole des rois de France à Saint-Denis.
La basilique Saint-Denis, gardienne de la tombe de Marie-Antoinette depuis 1815
La translation des corps de Louis XVI et Marie-Antoinette dans la Basilique Saint-Denis a lieu le 21 janvier 1815, date anniversaire de la mort du roi. Des funérailles grandioses sont organisées. Pour l’occasion, l’édifice religieux prend des allures de temple égyptien avec toute la symbolique qui l’accompagne.
L’intérieur est tout aussi impressionnant. Une immense tenture surmontée de la couronne royale pend de la voûte, au-dessus du catafalque accueillant le cercueil de Marie-Antoinette et celui de Louis XVI. La cérémonie, qui réunit les survivants de la famille royale, est longue. Elle commence à 13 h 15 et se termine à 18 h. À l’issue de l’hommage, enfin, les restes des souverains martyrs peuvent rejoindre pour l’éternité ceux de la dynastie des rois de France (où du moins ce qu’il en reste, car le lieu a été profané en octobre 1793).
La chapelle expiatoire : un sanctuaire édifié à la mémoire du couple royal sur l’ancien cimetière de la Madeleine
Si la basilique Saint-Denis attire chaque année des dizaines de milliers de visiteurs et permet d’approcher, entre autres, la tombe de Marie-Antoinette, il est un lieu méconnu qui mérite le détour : la chapelle expiatoire. Située dans le 8e arrondissement, à deux pas de la gare Saint-Lazare, elle a été bâtie sur le site de l’ancien cimetière de la Madeleine, là même où Marie-Antoinette et Louis XVI ont été inhumés après leur exécution. Un sanctuaire voulu par Louis XVIII, où « tout bon Français pourra […] verser des larmes expiatoires » pour reprendre les termes de l’employé du Trésor Edme-Louis Barbier dans sa Notice sur l’exhumation de Leurs Majestés Louis XVI et Marie-Antoinette (page 27).
La première pierre est posée le jour des funérailles royales, le 21 janvier 1815, même si les plans définitifs de la chapelle ne sont pas encore arrêtés. Le bâtiment, œuvre de l’architecte Pierre Fontaine, est achevé en 1826, sous Charles X.
Sur le fronton on peut lire :
« Le roi Louis XVIII a élevé ce monument pour consacrer le lieu où les dépouilles mortelles du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette, transférées le 21 janvier 1815 dans la sépulture royale de Saint-Denis, ont reposé pendant 21 ans. »
À l’intérieur, un silence poignant, et deux statues de marbre blanc monumentales qui se font face :
- Louis 16 soutenu par un ange, son testament gravé sur le piédestal ;
- Marie-Antoinette agenouillée devant la Religion, sa lettre d’adieu à Madame Élisabeth gravée dans le marbre noir.
Ces deux statues ont été offertes par Marie-Thérèse – devenue duchesse d’Angoulême –, fille de Louis XVI et Marie-Antoinette et seule survivante de la prison du Temple.
Dans la chapelle basse, un autel en marbre noir en forme de tombeau antique est érigé à l’endroit où le corps de Louis XVI a été exhumé.
N’hésitez pas à aller visiter cet endroit méconnu si vous êtes de passage dans la capitale, il fait partie des 6 lieux que j’ai répertoriés pour partir sur les traces de Marie-Antoinette à Paris !
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Stéphanie
Sources :
De Waresquiel Emmanuel, Les derniers jours de Marie-Antoinette, Paris : Tallandier, 2021, 352 p.
Delalex Hélène, Marie-Antoinette La légèreté et la constance, Paris : Perrin, 2021, 312 p.
Archives nationales