Passion Marie-Antoinette

Le square Louis XVI et sa chapelle Expiatoire, un lieu méconnu de Paris, élevé en mémoire du roi guillotiné et de sa femme Marie-Antoinette, tous deux inhumés sur place à l'époque, dans l'ancien cimetière de la Madeleine.

Square Louis XVI, la Chapelle Expiatoire | Un joyau caché

On passerait presque devant sans la voir. Entre le boulevard Haussmann et la rue des Mathurins se cache, dans le square Louis XVI, la chapelle Expiatoire, un monument qui reste encore largement méconnu ! L’édifice néo-classique d’apparence ordinaire est pourtant l’héritier d’une douloureuse histoire, celle de la mort du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette. D’ailleurs, le mot « expiatoire » est lourd de sens. Se racheter après l’innommable, réparer sa faute et demander le pardon pour ses péchés, telle est la raison d’être du bâtiment, niché au cœur 8e arrondissement de Paris. Quel secret abrite ce lieu de recueillement ? C’est ce que je vais vous expliquer dans cet article, avec à la fin, toutes les informations pratiques pour aller le visiter, car il vaut vraiment le coup d’œil si vous êtes de passage dans la capitale !

Avant le square Louis XVI et la chapelle Expiatoire, le cimetière de la Madeleine

Lorsqu’il monte sur le trône en 1814, Louis XVIII met tout en œuvre pour retrouver les dépouilles de son frère Louis XVI et sa belle-sœur Marie-Antoinette, guillotinés respectivement les 21 janvier et 16 octobre 1793. Un dénommé Desclozeaux se fait alors connaître. Il est propriétaire d’un terrain qu’il met à la disposition du souverain pour effectuer des fouilles. Ce terrain, c’est l’ancien cimetière de la Madeleine, là même où a été enterrée Marie-Antoinette, et avant elle, son mari Louis XVI.

Recouverts de chaux vive pour éviter tout trafic de reliques, les corps reposent depuis 21 ans dans une des fosses communes. Il n’est pas difficile d’identifier l’endroit de la sépulture royale, Desclozeaux l’avait soigneusement marqué. Les restes de Marie-Antoinette sont vite retrouvés, le 18 janvier 1815, à 2,60 mètres de profondeur. Le lendemain, ceux de Louis XVI sont exhumés. Juste à temps pour la grande cérémonie organisée le 21 janvier 1815, date anniversaire de la mort du roi ! À cette occasion, les dépouilles royales sont déplacées à la basilique Saint-Denis, où elles reposent toujours.

Dessin de Léon Leymonnerye représentant les fosses de l'ancien cimetière de la Madeleine.
Dessin de Léon Leymonnerye représentant les fosses de l’ancien cimetière de la Madeleine, donné au musée Carnavalet le 20 janvier 1878. Le numéro 4 désigne l’emplacement de la fosse contenant les dépouilles royales. Source : Paris Musées

 

La chapelle Expiatoire, un monument mémoriel pour les suppliciés commandé dès 1815

La construction d’un monument funéraire sur les lieux mêmes de l’inhumation est immédiatement décrétée. L’employé du Trésor Edme-Louis  Barbier explique que « tout bon Français pourra y verser des larmes expiatoires ». Dans le Journal des débats politiques et littéraires daté du 19 janvier 1815, Chateaubriand précise :

« On élèvera une chapelle sur le terrain du cimetière de la Madeleine. Du côté de la rue d’Anjou, elle représentera un tombeau antique. […] Pour mieux envelopper les différentes sépultures, l’édifice entier se déploiera en forme d’une croix latine éclairée par un dôme qui n’y laissera pénétrer qu’une clarté religieuse. Dans toutes les parties du monument on placera des autels où chacun ira pleurer une mère, un frère, une sœur, une épouse ; enfin toutes ces victimes, compagnes fidèles, qui pendant vingt ans ont dormi auprès de leur maître dans ce cimetière abandonné […].

Car le roi et la reine sont loin d’être les seuls à avoir été inhumés au cimetière de la Madeleine : avant eux, il y eut entre autres les 132 victimes de la bousculade du mariage royal le 30 mai 1770 et les gardes suisses massacrés le 10 août 1792. Après eux, il y eut les centaines de victimes de la Terreur parmi lesquelles Olympe de Gouges, Charlotte Corday, Madame Du Barry… et même certains des « bourreaux » des suppliciés (Hébert, Philippe Égalité…).

Longtemps, on a cru que les restes de tous ces corps humains avaient été transférés dans les Catacombes, mais des découvertes récentes impulsées par Aymeric Peniguet de Stoutz, administrateur de la chapelle Expiatoire, viennent contredire cette croyance. Les ossements seraient conservés dans les murs du monument !

👀 À lire aussi : L’histoire de Marie-Antoinette, une tragédie en 5 actes

Une chapelle bâtie à l’emplacement du corps du roi Louis XVI

La première pierre de la chapelle Expiatoire est posée le matin du 21 janvier 1815. Les plans ne sont alors pas encore définitivement arrêtés. La seule contrainte architecturale est l’emplacement du corps de Louis XVI dans l’ancien cimetière. Inhumé contre le mur côté rue d’Anjou, c’est lui qui dicte l’implantation du bâtiment et donne cette configuration particulière : l’autel est orienté vers l’ouest alors que, traditionnellement pour les édifices religieux, il est orienté vers le soleil levant.

Le chantier est confié à l’architecte néo-classique Pierre Fontaine. Jusqu’ici premier architecte de l’Empereur, il est connu pour avoir, notamment, réalisé l’arc de triomphe du Carrousel et aménagé la Malmaison pour Joséphine de Beauharnais. Il faudra attendre 1826 pour que le monument soit achevé. On est alors sous le règne de Charles X. Marie-Thérèse, la survivante du Temple devenue duchesse d’Angoulême, participe au financement des travaux et intervient directement auprès de l’architecte. Elle offrira d’ailleurs les candélabres de la nef.

Qu’y a-t-il à voir dans le monument du square Louis XVI de Paris ?

Ce lieu fait partie des 6 endroits que je vous recommande de visiter si vous voulez vous lancer dans un parcours Marie-Antoinette à Paris. Avant même de pénétrer dans le pavillon d’entrée, le fronton du bâtiment rappelle au visiteur le poids historique des lieux :

« Le roi Louis XVIII a élevé ce monument pour consacrer le lieu où les dépouilles mortelles du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette, transférées le 21 janvier 1815 dans la sépulture royale de Saint-Denis, ont reposé pendant 21 ans. »

Pour accéder à la chapelle, il faut d’abord traverser un jardin intérieur bordé de 2 rangées de cénotaphes, des tombeaux vides élevés à titre mémoriel. Ils marquent les limites de l’ancien cimetière de la Madeleine. Le long de l’allée centrale, des rosiers rappellent ceux que Marie-Antoinette aimait tant. Le monument mémoriel trône au bout de ce jardin. En y pénétrant, le visiteur est éclaboussé de lumière grâce aux ouvertures zénithales des 4 voûtes. 2 monumentales statues de marbre blanc se faisant face captent immédiatement l’attention :

  • À droite, Louis XVI soutenu par un ange, son testament gravé sur le piédestal (œuvre du sculpteur Joseph Bosio) ;
  • À gauche, Marie-Antoinette agenouillée devant la Religion, sa lettre d’adieu gravée dans le marbre (œuvre du sculpteur Jean-Pierre Cortot).

Ces 2 statues n’étaient pas présentes à l’origine dans l’édifice. Offertes par la duchesse d’Angoulême, elles ont été installées après la chute des Bourbons, en 1834-1835.

Louis XVI soutenu par un ange dans la chapelle expiatoire du square Louis XVI, par Joseph Bosio
Statue en marbre blanc de Louis XVI dans la chapelle Expiatoire, son testament – écrit le jour de Noël 1792 – gravé dans le piédestal. Photo Stéphanie Soulier.

 

Statue en marbre blanc de Marie-Antoinette dans la chapelle expiatoire du square Louis XVI à Paris.
Statue en marbre blanc de Marie-Antoinette dans les bras de la Religion. La Religion est représentée sous les traits de Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI, guillotinée elle aussi pendant la Terreur. Un bel hommage à ses parents de la part de la duchesse d’Angoulême, seule survivante du Temple. Photo Stéphanie Soulier.

 

Des escaliers mènent à la chapelle basse, le lieu le plus sacré de l’édifice. Un autel en forme de tombeau antique est disposé à l’endroit où le corps de Louis XVI a été retrouvé.

 

Autel en marbre noir de la crypte de la chapelle expiatoire
Autel en marbre noir en forme de tombeau antique, disposé à l’endroit où le corps de Louis XVI a été retrouvé en 1815. Photo Stéphanie Soulier.

La chapelle Expiatoire, un monument controversé qui a bien failli être rasé

En 1830, après la Restauration, le monument cristallise les tensions. Évoquant l’ancien régime, il devient un enjeu politique. Les cérémonies du souvenir cessent en 1833 avec l’abrogation de la loi mémorielle du 19 janvier 1816, et avec elles, l’entretien de l’édifice, qui tombe en décrépitude. Il faut attendre le Second Empire pour que des réparations soient effectuées. Le quartier est aménagé par le baron Haussmann et la chapelle, qui trône désormais dans un square, renaît.

Mais sous la Commune de Paris, son sort devient incertain. Le Comité de salut public ordonne même sa destruction le 6 mai 1871, car elle représente une « insulte permanente à la première Révolution ».

Arrêté de destruction de la chapelle expiatoire ordonné par le Comité de salut public le 6 mai 1871.
Le 6 mai 1871 (16 floréal an 79), un arrêté du Comité de salut public ordonne la destruction de la chapelle Expiatoire. Notez que le calendrier républicain avait été – furtivement – rétabli.

 

Finalement, elle échappe à la destruction, mais pour autant, sous la IIIe République, le doute continue de planer sur son avenir. Ce n’est qu’en 1914 qu’elle se trouve définitivement protégée, grâce à son classement en monument historique.

 

Je ne peux que vous encourager, si vous êtes de passage à Paris ou dans le quartier, à aller voir la chapelle Expiatoire. La durée conseillée de la visite est de 30 minutes, aussi elle est réalisable même si vous n’avez que peu de temps devant vous. Située 29 rue Pasquier dans le 8e arrondissement, elle est desservie par de nombreuses lignes de métro et de bus. Le billet d’entrée coûte 6 € (nombreux cas de gratuité). Les horaires varient selon la saison, renseignez-vous sur le site officiel de la chapelle expiatoire avant de programmer votre venue !

 

Plus haut, j’ai indiqué que le piédestal de la statue de Marie-Antoinette comporte une reproduction de la toute dernière lettre qu’elle a écrite, mais la connaissez-vous ? Si vous voulez en savoir plus, lisez mon article sur l’émouvant testament de Marie-Antoinette.

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Stéphanie

Sources :
Barbier Edme-Louis, Notice sur l’exhumation des leurs Majestés Louis XVI et Marie-Antoinette d’Autriche, archiduchesse d’Autriche, Paris. Le Normant. Janvier 1815.
Broch Julien, Par Julien, De l’ancien sur les lois mémorielles : la loi du 19 janvier 1816 relative à l’anniversaire de l’exécution de Louis XVI.

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Bonne lecture !

Qui suis-je ?

Je suis Stéphanie Soulier. J’ai craqué pour Marie-Antoinette après avoir vu un docufiction sur Arte. Depuis… j’ai décidé de lui consacrer un blog. En savoir plus sur ma démarche.

Stéphanie Soulier du site Passion Marie-Antoinette

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